Sothy's pepper farm / la ferme de poivre de Sothy

www.mykampotpepper.asia
Après une nuit affreuse dans le bus, pendant laquelle je me suis promise de ne plus JAMAIS prendre le bus de nuit (le conducteur, limite au téléphone conduisait comme un malade, la route a peine éclairée par les phares et le pare-brise fissuré... Le jour, pas de problème, la nuit, non), je suis arrivée à Kep, petite ville près de Kampot, dont la province est célèbre pour la qualité du poivre. Justement, ma destination finale était une exploitation de poivre où j'avais prévu d'être bénévole trois semaines : Sothy's Pepper Farm.

J'ai pris un tuk-tuk pour m'y rendre et c'est le mari de Sothy, Norbert, qui m'a accueillie. Cet allemand de 84 ans vit au Cambodge depuis 25 ans, et sa vie mérite bien un paragraphe (au moins) sur ce modeste blog.
Il parle couramment cinq langues : allemand, anglais, français, espagnol et japonais (il a vécu 10 ans au Japon). Il n'a pourtant que quelques mots de Khmer, juste assez pour les conversations courantes. Pourquoi ? Parce que quand il est arrivé au Cambodge, en 1990, pour travailler au Ministère de l'Agriculture, les étrangers n'étaient pas encouragés à apprendre le khmer : au contraire, il fallait que les fonctionnaires cambodgiens pratiquent leur anglais et/ou leur espagnol (beaucoup ayant été formés à Cuba).
Pour l'anecdote, c'est lui qui a fait venir les vaches blanches qu'on voit maintenant partout au Cambodge, depuis les Philippines. Elles sont en fait originaires d'Inde, mais leur implantation aux Philippines ayant été une réussite et le climat des deux pays étant similaires, c'est cette race qui a été choisie. À l'époque, il n'y avait plus assez de vaches au Cambodge. Deux cent d'entre-elles ont donc fait le voyage en avion, elles ne savaient pas alors qu'elles participaient à un mouvement historique plus large : la reconstruction d'un pays. Elles ne savaient pas non plus que plus de vingt ans plus tard, une jeune française prétendant être une spécialiste du poivre pourrait répondre à la question que chaque touriste qui se respecte se pose au Cambodge "Mais pourquoi elles sont si maigres ?!". Tout simplement parce qu'il n'y a plus assez de pâturages, ben tiens !

Autres choses remarquables : c'est lui qui a établi la première connexion internet au Cambodge, inventé le ".kh" (comme nous avons le ".fr") et envoyé le premier mail. Certains visiteurs m'ont demandé "Mais alors ? Il y avait quoi dans ce premier mail ?" Intriguée, moi aussi, je lui ai posé la question. Après une brève explication sur la complexité de l'ouverture de la connexion (il n'avait que 15mn par jour pour s'en occuper, moment où il pouvait joindre un centre à Oxford, ça a donc duré des mois), il m'a répondu "Probablement 'eh ! Ça a l'air de fonctionner !'". Tout ça, il l'a fait pour qu'un collègue puisse recevoir une bourse. Mais internet ne l'a plus lâché pendant un bon moment et l'a fait voyager dans toute l'Asie. Un jour, il m'a étonnée en me disant " Les seuls pays d'Asie où je ne suis pas allé sont le Boutan et la Corée du Nord". Il a quand même rencontré le premier président de Corée du Nord, Kim Il-sung, grand-père de Kim Jong-un-le-cinglé, puisqu'il a été ponctuellement son interprète. À cette époque, les coréens parlaient très bien le Japonais, leur pays ayant été une colonie japonaise.

À part ça, il a aussi été directeur éditorial et fondateur du journal en ligne et gratuit The Mirror (à ne pas confondre avec le journal anglais) qui regroupait des traductions en anglais des principaux articles des journaux cambodgiens pour en faire profiter la diaspora cambodgienne qui ne pouvait plus lire le cambodgien (ou n'avait pas accès aux journaux). Ça lui a causé quelques ennuis, et après 10 ans d'aventures, ils ont dû s'arrêter, non sans regret. Maintenant, il continue de tenir un blog : www.thinking21.org , commencé après 21 ans de vie au Cambodge. Il est aussi membre de Transparency International au Cambodg, une ONG qui lutte contre la corruption.
Il est aussi fortiche pour effrayer les oies.
Et ce n'est évidemment que la partie immergée de l'iceberg. 


Retour à la ferme de Sothy.
Je précise que cette ferme est auto-suffisante en électricité (panneaux solaires et éolienne) et eau (récupération de l'eau de pluie).
Sachant que la récolte de poivre était terminée (elle a lieu en mars, avril, mai) mon activité principale a été de guider les visiteurs dans la plantation. C'est Norbert qui m'a donné mon premier tour, et je me suis vite armée d'un carnet et d'un crayon pour noter tout ce que j'apprenais sur la fabrication du poivre, c'est-à-dire beaucoup.
J'ai vraiment beaucoup aimé ce job, qui m'a permis de rencontrer du monde, de partager avec eux ce que je savais et de parler tout mon soûl (je rappelle que la dernière fois que j'avais travaillé dans une ferme, c'était au choix vietnamien ou norvégien). Certains visiteurs précisaient ce que je disais ou me donnaient de nouvelles informations (rarement sur le poivre, plutôt sur les plantes en général) ce qui me permettait d'enrichir davantage mon tour. J'ai y ajouté des activités, comme "la minute botanique" ou "le quizz arbres fruitiers", fait de plus en plus participer les visiteurs, par exemple en demandant les dates du protectorat français au Cambodge. Les réponses qui m'ont faite le plus rire sont "1931" (ah bon ? un an seulement ?) et "ça a duré 15 ans" : alors non, ça a duré 90 ans, entre 1863 et 1953. Ce qui me faisait moins rire, c'est l'ignorance de notre Histoire : eh oui, on ne l'étudie pas en cours, et certains m'ont même confiée qu'ils ignoraient tout du génocide Cambodgien. Si c'est votre cas, je vous conseille les films de Rithy Panh.
Je l'avoue maintenant, j'avais très peur de tomber sur des vrais spécialistes du poivre, déguisés en civils, venus exprès pour me tester comme il font avec les caissières chez Lidl. Ouf, ça n'est jamais arrivé !
Je crois que le tour le plus long que j'ai donné a duré 1h30, bien plus que ce qu'on était censé faire, entre 15 et 30mn, et m'a valu $10 de pourboire et une conversation très intéressante avec mes visiteurs !

Il y avait deux autres bénévoles : un anglais de 50 ans, venus passer une semaine mais toujours là quatre moins plus tard, et un jeune québécois resté 15 jours. Je me suis vraiment bien entendu avec ce dernier, et le temps est passé à toute allure. Ce que j'ai particulièrement apprécié dans la gérance des bénévoles, c'est qu'on n'était pas en surnombre par rapport au boulot à effectuer.

La pompe pour faire monter l'eau de pluie, récoltée dans un réservoir, vers le ballon d'eau chaude, bien exposé au soleil. Bizarrement l'eau froide convenait à tout le monde.


Étant la seule femme, j'avais droit à mon propre bungalow ; une charmante maison en bambou, un peu à l'écart du reste, louée en temps normal aux touristes en manque de nature. Pour m'éclairer, j'avais une lampe-ventilateur-radio rechargée à l'énergie solaire et pour me laver, un robinet et un baquet. Un grand lit et une moustiquaire. Le luxe, quoi ! La nourriture était excellente, un vrai bénévolat 5 étoiles.

Mon bungalow :
Pour les deux dernières nuits, j'ai dû déménager là : 
Le mur n'ayant qu'une cloison, je pouvais voir le lever du soleil sans bouger de mon lit : un bénévolat 5 étoiles, je vous dis !

Sothy est rentrée de Phnom Penh quelques jours après mon arrivée. Très accueillante, elle est pleine d'énergie. Je l'ai aussi beaucoup appréciée. Elle et Norbert ont repris cette ferme il y a 3 ans à un certain Christophe, un franco-cambodgien qui a eu la bonne idée d'acheter des terres quand elles ne valaient presque rien. Je rappelle que même si seuls les Cambodgiens ont le droit de posséder de la terre, vous pouvez toujours acheter le premier étage. 



Saviez vous que les graines de lotus sont comestibles ? tout comme leurs tiges, qui servent aussi au tissage d'une soie de lotus, qu'ont dit encore plus belle que la soie normale. Elle doit éblouir autant que le soleil à ce compte là !

Cette plante est sensitive : elle se referme lorsqu'on l'effleure. En français, elle s'appelle Mimosa Pudica tandis qu'en khmer, c'est l'herbe de Salut, puique c'est c'est comme si elle murmurait "Bonjour" en joignant les mains.

Le poivre qui sèche, tandis que le Cambodge attend cette pluie qui ne vient pas.

Artisans d'Angkor et la ferme de soie


Je suis allée visiter les ateliers d'Artisans d'Angkor, une entreprise qui met à l'honneur l'artisanat traditionnel Khmer en donnant une formation à des jeunes en diificultés. J'y suis allée à midi, puisque je voulais participer à la visite à la ferme de soie dont le départ était à 13h, et est donc arrivée pile pendant la pause du déjeuner... J'aurais dû y penser, je n'ai pas pu voir grand monde travailler. 
La visite à la ferme s'est révélée très intéressante grâce au guide qui nous a bien expliqué le processus de fabrication de la soie, du vers jusqu'au tissu, en passant par le filage et la teinture. Évidemment, la visite se termine dans la boutique mais on n'est pas poussés plus que ça à acheter. J'ai même pu voir des grains de curry pour la première fois (qui servent à la teinture rouge).
À ne pas manquer !









La montagne Kulen - Siem Reap






L'accès à cette montagne coûte très cher aux étrangers ($17) et bien que le Bouddha couché soit honorable, il y a tellement de touristes et de boutiques de souvenirs idiots que je ne conseillerais à personne d'y aller. La cascade est belle, mais pas particulièrement impressionnante : le bon point c'est qu'on peut s'y baigner. On y a aussi pique-niqué et passé un très chouette après-midi, à maté les jeunes moines (les "nem" je crois) tentant de s'amuser dans l'eau sans perdre leur tunique, ce qui n'avais pas l'air aisé. 
Apparemment, une des raisons de la couleur orange de leur tenue, c'est que le lavage dans l'eau des rivières lui donnerait de toute façon cette couleur-là (mais que dire de la tenue blanche des nonnes, dans ce cas ?).

Quelques photos de Siem Reap

Où j'ai passé dix jours très relaxants. Siem Reap est une belle ville, qui fait oublier l'agitation de Phnom Penh. Mais comme là-bas, des ONG fleurissent à chaque coin de rue, principalement celles qui offrent des cours d'anglais gratuits donnés par des bénévoles anglophones (mais pas profs pour autant). Ça pose quelques questions : on a vite l'impression que le Cambodge est un pays assisté et délaissé par un gouvernement qui se remplit les poches, en attirant les compagnies étrangères. Bientôt, tous les jeunes cambodgiens seront anglophones (ce qui est bien) mais n'auront pas tellement d'autres connaissances : j'ai rencontré pas mal d'adolescents qui n'allaient plus à l'école mais travaillaient dans des salons de massages par exemple (ou un minimum d'anglais leur est utile).
Cette deuxième vague de "colonisation" est assez visible dans le sud, où la plupart des Guesthouses et restaurants sont tenus par des étrangers, dont beaucoup de français. L'un d'eux m'a dit que le Cambodge était le pays d'Asie qui avantageait le plus les compagnies étrangères qui désiraient s'y implanter. Il m'a dit "c'est le moment de foncer", et pense rester ici encore 2-3 ans.
Le droit du sol réserve la propriétés des terres aux cambodgiens, mais moi, par exemple, je peux acheter le premier étage si ça me chante.





Angkor Wat











Angkor Wat

Je n'ai pas pu résister, j'y suis retournée...


Et j'ai appris au passage que c'était une compagnie vietnamienne (dont le boss serait un proche du gouvernement cambodgien) qui était en charge de la gestion des entrées aux temples et donc empochait le prix (exorbitant) des tickets sans pour autant s'occuper de la restauration. Ce qui n'aide pas à développer chez les cambodgien une amitié franche pour le Vietnam ou de la considération pour leurs gouvernants...

Siem Reap

Retour au Cambodge ! Avec un jour de retard puisque Cebu Pacific, la compagnie aérienne, a décalé mon vol de 24 heures (mais bon, moi j'étais contente de rester une journée de plus aux Philippines !).
Arrivée à Siem Reap, au Nord du Cambodge, où je m'étais déjà rendue en mars, après la retraite de dix jours de méditation Vipassana, pour voir l'Angkor Wat et tous les temples environnants.
J'ai logée chez une couchsurfeuse* que j'avais rencontrée à Phnom Penh, fin février. Chez elle se trouvait déjà un couple de couchsurfeurs, un indien et une anglaise, qui m'a appris plusieurs spécialités culinaires indiennes que j'ai hâte d'appliquer en France ! Ensemble, on a aussi suivi un petit stage de massage, c'était chouette et intéressant, et maintenant je sais faire de trucs de pro qui en jettent.

À part ça, j'ai été super feignante, profitant quand même chaque jour de la piscine de la résidence (wouhouu ! Ma couchsurfeuse se souvenait d'ailleurs, qu'à Phnom Penh, j'avais désespérément cherché une piscine publique tellement il faisait chaud), buvant beaucoup de chaï indien, et faisant plusieurs petites balades à vélo. J'ai aussi un peu dessiné, comme vous pouvez voir : c'est pas encore tout à fait ça, mais c'est toujours mieux que ce que j'ai produit aux Philippines (c'est-à-dire : rien).


J'ai aussi appris qu'il fallait se méfier davantage des fourmis que des moustiques, mais que leur morsure/piqûre n'atteint quand même pas celle d'un oursin.
Hum... Donc, ça, c'était mon programme pendant dix jours (au lieu de 4 prévus, au départ).
Ah oui, et j'ai quand même cherché un bénévolat pour occuper les trois semaines suivantes qu'autorise mon visa. Ça n'a pas été de la tarte, mais après une bonne quinzaine de mails envoyés, j'ai enfin reçu une réponse positive "Venez quand vous voulez !" (Je n'ai pas reçu beaucoup de réponses négatives, c'est juste que je n'en ai pas reçu du tout).


Voilà, encore et toujours dire "au-revoir" à des personnes avec lesquelles on a partagé d'aussi bons moments, qu'on ne sait ni où ni quand on reverra, c'est un des rares points négatifs de ce genre de voyage en solo. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je tenais à faire du bénévolat : me poser dans un endroit et profiter des gens, dans la durée.


*le Couchsurfing -petite note pour rappeler ce que c'est- est un réseau social sur internet, qui met en relations des voyageurs en soif de rencontres et des locaux qui auraient des bons plans à partager et éventuellement un canapé où dormir. 

Requins Baleine


Une photo prise par Julietta quand elle est retournée voir les requins-baleines, qui donne un peu idée de leur taille.


petites notes sur mon mois aux Philippines

Quelques points de géographie et d'histoire, à propos des Philippines.
Déjà, rappelons-le, les Philippines forment un archipel comptabilisant 7107 îles, dont seulement 11 d'entre elles totalisent 90% de la surface. Environ 2000 îles sont habitées, tandis qu'à peu près 24000 n'ont pas de nom.

En 1521, Magellan, un explorateur portugais travaillant pour l'Espagne, est le premier européen à arriver aux Philippines, nommées ainsi en l'honneur de l'infant d'Espagne, Philippe II d'Espagne. En 1565, l'archipel entre dans l'empire colonial espagnol.
*avance rapide dans le temps*
330 ans plus tard, le mouvement indépendantiste est réprimé, mais les États-Unis interviennent militairement contre l'Espagne... Qui finalement leur vendra les Philippines pour 20 million de dollars, en 1898. Nouvelle guerre pour les Philippines, puis... Bref, si vous voulez en savoir plus, rendez vous sur Wikipédia.


La culture espagnole et celle des États-Unis se mélangent à l'asiatique en quelque chose d'assez unique.
Environ 70% de la population est catholique, comme le prouvent toutes ses représentations de Jésus ou Marie, ou même ces extraits de la bible qu'on trouve sur chaque jeepney ou tricycle. D'ailleurs les Jeepney sont les vieilles jeeps abandonnées par les américains et transformées en transport en commun par les Philippins. À côté de Jésus, il n'est d'ailleurs pas rare de voir une licorne ou un personnage de manga.
Bref, une sorte de mélange détonant, qui n'a pas grand chose à voir avec le Vietnam.
Je n'ai moi même été victime d'aucun vol ou agression, et je n'avais pas vraiment peur de sortir dans la rue mais il est de notoriété commune qu'il faut faire attention. Un jeune Philippins m'a confié qu'il voulait apprendre à se servir d'un revolver "juste au cas où".
Apparemment, il est assez courant qu'un des membres de la famille travaille à l'étranger (Moyen-Orient, Canada, Europe, USA) d'où il envoie de l'argent. J'ai rencontré une fille de 21 ans sur un bateau. Depuis ses 8 ans, sa mère vit en Italie (où elle-même ne s'est jamais rendue), et depuis qu'elle est ado, son père est en prison à Manille (pour un crime qu'il n'a pas commis, a-t-elle ajouté).

Même si je n'ai pas beaucoup bougé de ma base, à Cebu, j'ai pu voir pas mal de choses et profiter des magnifiques paysages. Je sais qu'il me reste encore beaucoup à découvrir, notamment Palawan.