Le retour - Septembre 2015



Après le trek dans l'eau glacée des rivières du Laos, je suis tombée malade, grelotant de froid dans le bus qui me ramenait à Luang Prabang.
Je tiens d'ailleurs à remercier James Chrisel, qui m'a prêté :
-son paréo
-son bonnet
-son coussin pour cou convertible en hamac (une de ses inventions !)
pour que je ne meurs pas d'hypothermie, alors qu'il faisait 30°C dehors. Du coup, un peu de pub pour lui : sur internet, il est plus connu sous le nom de Journeying James et vous pouvez suivre ses voyages de 100 jours ici :

http://journeyingjames.com/

Dans son pays, les Philippines, il tient une entreprise qui fabrique des hamacs, et soutient ainsi financièrement les familles qui travaillent pour lui. Ici, le site :

https://www.facebook.com/hammockrepublic

C'est donc toute fiévreuse que je me suis rendue à Bangkok, où j'ai passé une journée enfermée dans ma guesthouse avant de m'envoler pour des horizons plus familière mais qui semblaient déjà si lointaine. Avec l'intention rassurante de revenir un jour. Dans pas trop longtemps !


Le Laos

Après un passage rapide au Vietnam (maintenant qu'on a droit à 15 jours sans visa... je ne pouvais pas résister), je me suis rendue au Laos, sachant que ce serait ma dernière étape.

Je dois avouer, qu'après ces 8 mois passés en solitaire, j'avais surtout besoin de contact humain et... occidental. Avec de vraies conversations où la langue n'est pas une difficulté.

Donc, quand je suis arrivée à Vientiane, après 20 heures de bus depuis Hué, à 5h du matin, la première chose que j'ai faite a été d'ouvrir mon Lonely Planet et de piocher l'adresse du premier hotel dont le nom comportait "backpacker".

Et je n'ai pas été déçue. J'ai rapidement rencontré des gens avec lesquels voyager et ensemble, nous nous sommes dirigé vers Vang Vieng, puis Luang Prabang.

Ensuite, seule, j'ai été à Phongsavan, à l'Est de Luang Prabang, où j'ai fait d'autres rencontres, mangé beaucoup de sandwichs (typiques) et été dans des sources d'eau chaude pour la première fois de ma vie ! Ensuite, retour à Luang Prabang, pour une journée et je file vers Nong Khiaw. Plus que quelques jours, ce sera la dernière ville que je visite. En fait de ville il s'agit d'un petit village, de part et d'autres du Mékong. Avec un groupe, je fais un trek : toute la journée à remonter une rivière, les pieds dans l'eau, sautant de rocher en rocher, ça c'est l'aventure ! On croise même un buffle, qu'on contourne soigneusement.

Impossible de dessiner là-bas, ou du moins de trouver la motivation et j'avais même laissé mon appareil photo bien au fond de mon sac... pour le ressortir tout aussi vite : les paysages étant époustouflants et, étrangement, rappelant parfois la France, avec leurs villages aux toits rouges et pointus, perdus au milieu des collines. étais-ce une sorte d'illusion, un effet du mal du pays ? Je ne crois pas. Je n'avais aucune envie de rentrer en Europe, trouvant chaque jour plus excitant.

Voici donc quelques photos du Nord du Laos (le Sud sera pour un prochain voyage)


Vientiane


Une chute d'eau près de Luang Prabang


Luang Prabang



Phonsavan


Nong Khiaw

Le poivre et le compost


Le bénévole québecois et moi nous sommes donné pour mission de construire un composteur. Ça nous a occupé en attendant les premiers visiteurs. Du coup, je me suis pas mal renseignée sur le compostage et j'ai réussi à télécharger un document sur le compostage en Guyane, où il y a aussi une saison sèche et une saison des pluies. D'où le toit qui protège des gros déluges.
On a aussi tenté de mettre en place un système de tri, arrêté de donner systématiquement des pailles aux visiteurs qui commendaient des boissons (ce qui ne semblaient pas leur manquer), et fait tout un tas de (très jolis et encourageants) panneaux.

En réalité, je n'ai pas beaucoup d'espoir quant à la pérennité de ce projet... c'est déjà la troisième fois que Sothy et Norbert mettent en place un tel système.

J'ai quand même donné une présentation simple sur les bienfaits du compostage. Je ne me sentais pas très à l'aise : qui suis-je, jeune blanche qui ne parle pas un mot de leur langue, pour leur dire comment gérer leurs affaires ? Et quelles solutions ai-je à apporter ? Si brûler le plastique = mal et jeter par terre = mal, qu'est-ce qu'il leur reste ? Il n'y a pas de système de collecte des déchets dans ce coin...
Mais Sothy a quand même insisté : elle dit qu'il faut leur répéter encore et encore, et ne jamais abandonné. Après tout, elle sait de quoi elle parle, elle est prof !




Le marché de Kep

Kep, petite ville côtière du Sud-Est du Cambodge, est surtout connue pour son marché de crabes. C'est l'occasion d'en manger du super frais : pour cela, deux options... Soit vous aller dans un des restaurants qui jouxtent le marché, soit comme moi, vous êtes affamés et épuisés par vos 20km de vélo et vous ne vous rendez même pas compte de leur existence et vous vous procurer vous-même vos crabes.
Voici comment procéder :
- vous acheter vos crabes encore vivants, tous juste sortis de la mer (deux crabes $1)
-vous demander, un peu plus loin, à un autre stand qu'on vous les fasse cuire ($0.50)
-vous trouvez à un stand un peu de poivre (mélange de poivres noirs et blancs moulus + sel)
-un citron vert à un autre stand, à mélanger au poivre
Pour ces deux étapes, j'ai profité de la sauce offerte par mes voisins de table.
-vous commandez une portion de riz ($0.50) afin de vous asseoir à une table
-pour compléter, vous demandez une brochette de calamars ou de sèche ($0.50)
Notes : distribuez des "Okun !" à tire-larigot : un merci ne fais jamais de mal :)

Résultat des courses : $2.50 + une sacré expérience parce que c'en est une de recevoir dans ses propres mains les crabes vivants, d'avoir avec eux un court mais intense échange de regards, puis de les balancer dans une marmite brûlante, en attendant de les croquer.





J'ai voulu acheter du café à un stand du marché. Pendant qu'on attendait le paquet, la vendeuse m'a demandé si je désirais aussi du poivre, ce à quoi j'ai répondu "vous savez, je travaille dans une ferme de poivre de Kampot...". Elle m'a souri et ajouté "c'est le même ! Le même !".
Oui, c'est ça "same same but different", hein ? C'était vraiment mignon, d'essayer de m'avoir en tentant de me vendre du poivre du Vietnam à prix gonflé en le faisant passer pour du poivre de Kampot.

Sothy's pepper farm / la ferme de poivre de Sothy

www.mykampotpepper.asia
Après une nuit affreuse dans le bus, pendant laquelle je me suis promise de ne plus JAMAIS prendre le bus de nuit (le conducteur, limite au téléphone conduisait comme un malade, la route a peine éclairée par les phares et le pare-brise fissuré... Le jour, pas de problème, la nuit, non), je suis arrivée à Kep, petite ville près de Kampot, dont la province est célèbre pour la qualité du poivre. Justement, ma destination finale était une exploitation de poivre où j'avais prévu d'être bénévole trois semaines : Sothy's Pepper Farm.

J'ai pris un tuk-tuk pour m'y rendre et c'est le mari de Sothy, Norbert, qui m'a accueillie. Cet allemand de 84 ans vit au Cambodge depuis 25 ans, et sa vie mérite bien un paragraphe (au moins) sur ce modeste blog.
Il parle couramment cinq langues : allemand, anglais, français, espagnol et japonais (il a vécu 10 ans au Japon). Il n'a pourtant que quelques mots de Khmer, juste assez pour les conversations courantes. Pourquoi ? Parce que quand il est arrivé au Cambodge, en 1990, pour travailler au Ministère de l'Agriculture, les étrangers n'étaient pas encouragés à apprendre le khmer : au contraire, il fallait que les fonctionnaires cambodgiens pratiquent leur anglais et/ou leur espagnol (beaucoup ayant été formés à Cuba).
Pour l'anecdote, c'est lui qui a fait venir les vaches blanches qu'on voit maintenant partout au Cambodge, depuis les Philippines. Elles sont en fait originaires d'Inde, mais leur implantation aux Philippines ayant été une réussite et le climat des deux pays étant similaires, c'est cette race qui a été choisie. À l'époque, il n'y avait plus assez de vaches au Cambodge. Deux cent d'entre-elles ont donc fait le voyage en avion, elles ne savaient pas alors qu'elles participaient à un mouvement historique plus large : la reconstruction d'un pays. Elles ne savaient pas non plus que plus de vingt ans plus tard, une jeune française prétendant être une spécialiste du poivre pourrait répondre à la question que chaque touriste qui se respecte se pose au Cambodge "Mais pourquoi elles sont si maigres ?!". Tout simplement parce qu'il n'y a plus assez de pâturages, ben tiens !

Autres choses remarquables : c'est lui qui a établi la première connexion internet au Cambodge, inventé le ".kh" (comme nous avons le ".fr") et envoyé le premier mail. Certains visiteurs m'ont demandé "Mais alors ? Il y avait quoi dans ce premier mail ?" Intriguée, moi aussi, je lui ai posé la question. Après une brève explication sur la complexité de l'ouverture de la connexion (il n'avait que 15mn par jour pour s'en occuper, moment où il pouvait joindre un centre à Oxford, ça a donc duré des mois), il m'a répondu "Probablement 'eh ! Ça a l'air de fonctionner !'". Tout ça, il l'a fait pour qu'un collègue puisse recevoir une bourse. Mais internet ne l'a plus lâché pendant un bon moment et l'a fait voyager dans toute l'Asie. Un jour, il m'a étonnée en me disant " Les seuls pays d'Asie où je ne suis pas allé sont le Boutan et la Corée du Nord". Il a quand même rencontré le premier président de Corée du Nord, Kim Il-sung, grand-père de Kim Jong-un-le-cinglé, puisqu'il a été ponctuellement son interprète. À cette époque, les coréens parlaient très bien le Japonais, leur pays ayant été une colonie japonaise.

À part ça, il a aussi été directeur éditorial et fondateur du journal en ligne et gratuit The Mirror (à ne pas confondre avec le journal anglais) qui regroupait des traductions en anglais des principaux articles des journaux cambodgiens pour en faire profiter la diaspora cambodgienne qui ne pouvait plus lire le cambodgien (ou n'avait pas accès aux journaux). Ça lui a causé quelques ennuis, et après 10 ans d'aventures, ils ont dû s'arrêter, non sans regret. Maintenant, il continue de tenir un blog : www.thinking21.org , commencé après 21 ans de vie au Cambodge. Il est aussi membre de Transparency International au Cambodg, une ONG qui lutte contre la corruption.
Il est aussi fortiche pour effrayer les oies.
Et ce n'est évidemment que la partie immergée de l'iceberg. 


Retour à la ferme de Sothy.
Je précise que cette ferme est auto-suffisante en électricité (panneaux solaires et éolienne) et eau (récupération de l'eau de pluie).
Sachant que la récolte de poivre était terminée (elle a lieu en mars, avril, mai) mon activité principale a été de guider les visiteurs dans la plantation. C'est Norbert qui m'a donné mon premier tour, et je me suis vite armée d'un carnet et d'un crayon pour noter tout ce que j'apprenais sur la fabrication du poivre, c'est-à-dire beaucoup.
J'ai vraiment beaucoup aimé ce job, qui m'a permis de rencontrer du monde, de partager avec eux ce que je savais et de parler tout mon soûl (je rappelle que la dernière fois que j'avais travaillé dans une ferme, c'était au choix vietnamien ou norvégien). Certains visiteurs précisaient ce que je disais ou me donnaient de nouvelles informations (rarement sur le poivre, plutôt sur les plantes en général) ce qui me permettait d'enrichir davantage mon tour. J'ai y ajouté des activités, comme "la minute botanique" ou "le quizz arbres fruitiers", fait de plus en plus participer les visiteurs, par exemple en demandant les dates du protectorat français au Cambodge. Les réponses qui m'ont faite le plus rire sont "1931" (ah bon ? un an seulement ?) et "ça a duré 15 ans" : alors non, ça a duré 90 ans, entre 1863 et 1953. Ce qui me faisait moins rire, c'est l'ignorance de notre Histoire : eh oui, on ne l'étudie pas en cours, et certains m'ont même confiée qu'ils ignoraient tout du génocide Cambodgien. Si c'est votre cas, je vous conseille les films de Rithy Panh.
Je l'avoue maintenant, j'avais très peur de tomber sur des vrais spécialistes du poivre, déguisés en civils, venus exprès pour me tester comme il font avec les caissières chez Lidl. Ouf, ça n'est jamais arrivé !
Je crois que le tour le plus long que j'ai donné a duré 1h30, bien plus que ce qu'on était censé faire, entre 15 et 30mn, et m'a valu $10 de pourboire et une conversation très intéressante avec mes visiteurs !

Il y avait deux autres bénévoles : un anglais de 50 ans, venus passer une semaine mais toujours là quatre moins plus tard, et un jeune québécois resté 15 jours. Je me suis vraiment bien entendu avec ce dernier, et le temps est passé à toute allure. Ce que j'ai particulièrement apprécié dans la gérance des bénévoles, c'est qu'on n'était pas en surnombre par rapport au boulot à effectuer.

La pompe pour faire monter l'eau de pluie, récoltée dans un réservoir, vers le ballon d'eau chaude, bien exposé au soleil. Bizarrement l'eau froide convenait à tout le monde.


Étant la seule femme, j'avais droit à mon propre bungalow ; une charmante maison en bambou, un peu à l'écart du reste, louée en temps normal aux touristes en manque de nature. Pour m'éclairer, j'avais une lampe-ventilateur-radio rechargée à l'énergie solaire et pour me laver, un robinet et un baquet. Un grand lit et une moustiquaire. Le luxe, quoi ! La nourriture était excellente, un vrai bénévolat 5 étoiles.

Mon bungalow :
Pour les deux dernières nuits, j'ai dû déménager là : 
Le mur n'ayant qu'une cloison, je pouvais voir le lever du soleil sans bouger de mon lit : un bénévolat 5 étoiles, je vous dis !

Sothy est rentrée de Phnom Penh quelques jours après mon arrivée. Très accueillante, elle est pleine d'énergie. Je l'ai aussi beaucoup appréciée. Elle et Norbert ont repris cette ferme il y a 3 ans à un certain Christophe, un franco-cambodgien qui a eu la bonne idée d'acheter des terres quand elles ne valaient presque rien. Je rappelle que même si seuls les Cambodgiens ont le droit de posséder de la terre, vous pouvez toujours acheter le premier étage. 



Saviez vous que les graines de lotus sont comestibles ? tout comme leurs tiges, qui servent aussi au tissage d'une soie de lotus, qu'ont dit encore plus belle que la soie normale. Elle doit éblouir autant que le soleil à ce compte là !

Cette plante est sensitive : elle se referme lorsqu'on l'effleure. En français, elle s'appelle Mimosa Pudica tandis qu'en khmer, c'est l'herbe de Salut, puique c'est c'est comme si elle murmurait "Bonjour" en joignant les mains.

Le poivre qui sèche, tandis que le Cambodge attend cette pluie qui ne vient pas.

Artisans d'Angkor et la ferme de soie


Je suis allée visiter les ateliers d'Artisans d'Angkor, une entreprise qui met à l'honneur l'artisanat traditionnel Khmer en donnant une formation à des jeunes en diificultés. J'y suis allée à midi, puisque je voulais participer à la visite à la ferme de soie dont le départ était à 13h, et est donc arrivée pile pendant la pause du déjeuner... J'aurais dû y penser, je n'ai pas pu voir grand monde travailler. 
La visite à la ferme s'est révélée très intéressante grâce au guide qui nous a bien expliqué le processus de fabrication de la soie, du vers jusqu'au tissu, en passant par le filage et la teinture. Évidemment, la visite se termine dans la boutique mais on n'est pas poussés plus que ça à acheter. J'ai même pu voir des grains de curry pour la première fois (qui servent à la teinture rouge).
À ne pas manquer !









La montagne Kulen - Siem Reap






L'accès à cette montagne coûte très cher aux étrangers ($17) et bien que le Bouddha couché soit honorable, il y a tellement de touristes et de boutiques de souvenirs idiots que je ne conseillerais à personne d'y aller. La cascade est belle, mais pas particulièrement impressionnante : le bon point c'est qu'on peut s'y baigner. On y a aussi pique-niqué et passé un très chouette après-midi, à maté les jeunes moines (les "nem" je crois) tentant de s'amuser dans l'eau sans perdre leur tunique, ce qui n'avais pas l'air aisé. 
Apparemment, une des raisons de la couleur orange de leur tenue, c'est que le lavage dans l'eau des rivières lui donnerait de toute façon cette couleur-là (mais que dire de la tenue blanche des nonnes, dans ce cas ?).

Quelques photos de Siem Reap

Où j'ai passé dix jours très relaxants. Siem Reap est une belle ville, qui fait oublier l'agitation de Phnom Penh. Mais comme là-bas, des ONG fleurissent à chaque coin de rue, principalement celles qui offrent des cours d'anglais gratuits donnés par des bénévoles anglophones (mais pas profs pour autant). Ça pose quelques questions : on a vite l'impression que le Cambodge est un pays assisté et délaissé par un gouvernement qui se remplit les poches, en attirant les compagnies étrangères. Bientôt, tous les jeunes cambodgiens seront anglophones (ce qui est bien) mais n'auront pas tellement d'autres connaissances : j'ai rencontré pas mal d'adolescents qui n'allaient plus à l'école mais travaillaient dans des salons de massages par exemple (ou un minimum d'anglais leur est utile).
Cette deuxième vague de "colonisation" est assez visible dans le sud, où la plupart des Guesthouses et restaurants sont tenus par des étrangers, dont beaucoup de français. L'un d'eux m'a dit que le Cambodge était le pays d'Asie qui avantageait le plus les compagnies étrangères qui désiraient s'y implanter. Il m'a dit "c'est le moment de foncer", et pense rester ici encore 2-3 ans.
Le droit du sol réserve la propriétés des terres aux cambodgiens, mais moi, par exemple, je peux acheter le premier étage si ça me chante.